Lettres
de prison de Jaime SERO BERNAT
fusillé le 23 février 1944 à Eysses
Après la
Guerre d'Espagne, Jaime SERO a combattu dans la Résistance
d'abord en Normandie puis à Paris où il fut
arrêté le 8 avril 1943. Il fut alors emprisonné
à la Santé. Condamné par la Section
Spéciale de Paris, il fut transféré à la
Centrale d'Eysses le 18 décembre 1943.
Notre ami
Michel vient de retrouver l'adresse de sa compagne française
Gisèle, malheureusement décédée
aujourd'hui. De cette union, était née une petite fille,
Jacqueline, qui décéda de maladie quelques mois
après que son papa fut fusillé. Les grands parents
auxquels il s'adresse dans ses lettres sont ceux de sa compagne.
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La Santé
Chers
grands parents,
Je vous
crois en parfaite santé. La mienne est bonne aussi. Les
meilleurs des camarades incarcérés pour des causes
semblables, des fils du peuple qui ont le devoir de défendre la
liberté, se sont battus pour avoir la possibilité de se
réunir avec leurs êtres les plus chers. D’autres la
défendent aussi même si ce n’est pas leur terre. C’est
ainsi que moi comme espagnol alors que ma patrie souffre des
mêmes éléments et des mêmes
conséquences, j’attends aussi que le peuple d’Espagne retrouve
ses libertés démocratiques.
Tous les
jours, j’ai une pensée pour que nos champs soient bien
irrigués et que nos terres soient bien nourries, pour que les
récoltes soient belles et pour que les fils de la France vivent
libres, et nous aussi qui l’avons aidé à devenir libre et
indépendante. Les petits marchés de Beaumont et de Le
Neubourg retrouveront leur état d’avant-guerre avec toute
l’abondance et de riches produits, leur gaieté. Tout ça,
nous pouvons en être convaincus quand la guerre sera finie. Bien
que nous passerons par des crises assez grandes.
On nous
dit que les russes sont à une quarantaine de kilomètres
de l’ancienne frontière polonaise. Espérons qu’ils y
arrivent bientôt et que dans la suite, les alliés feront
ensuite quelque chose sur le continent. Je vous dis encore mille fois
merci pour vos envois de cigarettes.
Il parait
qu’ils vont regrouper tous les politiques condamnés pour les
séparer des autres en attendant un changement définitif
dans une Centrale.
Vous
pouvez m’écrire jusqu’au moment où je vous écrirai
pour vous annoncer mon transfert.
Pour
finir, grand-mère et grand-père, recevez mes meilleures
pensées
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Le
13 octobre 1943
Chers
grands parents,
Depuis
hier matin, nous sommes installés dans la nouvelle demeure, dans
le même service, le service est effectué par la même
compagnie. Le régime reste le même avec la seule
différence que nous sommes habillés avec le costume et le
béret de prisonnier. Nous ne sommes pas beaux avec le fameux
costume; nous sommes installés au rez-de-chaussée. La
chambre est une merveille. Dans le combat de lutte de libération
nationale, on trouve des milliers et des milliers de bons camarades. Je
prétends que quelque chose se prépare pour des jours pas
lointains et certainement sur le sol de France. Le peuple de France
dans cette incontestable lutte sera libre dans son
intégrité. Je suis certain qu’aucun français digne
de ce nom ne regrettera le maximum des efforts qu’il aura fait pendant
cette campagne gigantesque.
Pour vous
les meilleures et profondes pensées.
14°division
7°cellule
42 rue de
la santé Paris 14°
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Le 24 octobre 1943
Ma
petite chérie,
Je
viens de recevoir ta gentille lettre. Elle m’a fait beaucoup plaisir.
Excuse moi de ne pas t’avoir écrit plutôt mais le
directeur nous a flanqué trois jours sans pitance pour avoir
essayé de faire parvenir des lettres à mon cousin. Je
viens de m’adresser aux grands parents. Pour la prochaine
récolte de pommes de terre, j’espère pouvoir les aider.
Mon camarade me dit qu’il reçu ta lettre cet après-midi.
Il me charge de t’adresser ses amitiés ; Tu es certainement
au courant des évènements qui se déroulent
à l’Est, magnifiques. Mon dieu, le soleil brille sur les toits
et parmi ces rayons, Dieu a bien voulu nous en accorder quelques uns.
La
mère est malade et la petite a des boutons. Je ne crois pas
qu’elle soit mal soignée. L’air du pays catalan ou d’Italie lui
ferait du bien Nous fumons comme des pompiers grâce au tabac de
ton père. J’admire cette attitude
« patriote ».Il parait que les patriotes en font
des leurs dans tous les coins de France. Je suis avec de bons camarades
comme dans l’autre cellule. Ceux qui sont ici, quelque soit leur
religion, sont ici pour quelque chose.
Je
t’envoie de forts baisers
Jaime.
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Vendredi 29 octobre 1943
Mon
cher ange,
Combien
de rêves, bons ou mauvais, ont déjà marqué
notre sommeil. La lumière
nous est retirée et nous sommes contraints de nous coucher.
Cette
semaine, je suis le responsable du ravitaillement des quatre. Et nous
avons moins de colis. Il faut partager et l’estomac n’est pas content.
Quelques semaines avant la fin de la guerre d’Espagne, nous devions
résister avec ou sans lentilles.
Que
la guerre dure moins de temps ; je veux dire que la victoire aura
changé de camp. Je ne veux pas te dire de préparer
quelque chose pour
Noël. Tout est possible.
Cet
après-midi j’ai reçu une lettre du grand père et
de la grand-mère. Ils
me parlent de ton voyage aux Authieux. Avec la mignonotte comme le dit
la grand-mère. On raconte que les camps de Bernay et de
Beaumont-le-Roger ont été bombardés cette semaine.
Nous avons eu un
extrait d’un discours d’Hitler ; c’est vraiment un discours
agonique.
Je voudrais bien le lire du début à la fin. Aujourd’hui
les russes sont
à quelques kilomètres d’Odessa. Les forces allemandes de
Crimée sont
privées de toute fuite possible. Nous savons que les
opérations sur le
front de l’Est vont à merveille. Les
anglo-américains avancent sur
Rome plus lentement. On parle de la prise de Kiev. Si tu as quelque
chose de nouveau, fais le moi savoir dans tes lettres. On parle de
nouvelles opérations dans de très brefs délais. Tu
as fait un voyage à
Brunoy. Tu as certainement vu je l’espère Aubrat. Courage et
patience
Jaime
13°
division 8°cellule
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La Santé, le 10 novembre 1943
Chère
Gisèle
La
petite Jacqueline parle-t-elle l’espagnol ou le français.
Evidemment
qu’elle apprendra l’espagnol avec ces gens là et le
français avec ses
petites amies. Plus grande, elle aura certainement la
possibilité
d’apprendre d’avantage si cela lui plait. Elle doit connaître une
quantité considérable de mots en langue castillane. Je
pense qu’elle va
apprendre très mal avec ces gens là puisqu’ils parlent en
langue
castillane avec un accent galicien.
C’est
toi qui a mis les petits gâteaux dans le colis. Ils
étaient délicieux.
J’en parle à l’imparfait de l’indicatif. Depuis hier il n’y en a
plus.
Aujourd’hui
nous avons eu une promenade extraordinaire : coiffeur, visite, la
journée passe vite. Certainement que Félix va m’envoyer
dimanche des
vêtements chauds et une couverture. Depuis dimanche une
résistance
opiniâtre est engagée concernant le tabac. Selon nous les
russes se
trouvent à 40 kms de la Lettonie et ont dépassé de
quatre vingt
kilomètres la ville de Kiev.
En
plus nous avons su par les mots du camarade chef de l’URSS que le
2°front n’est pas loin plus. Le discours d’Hitler du 9 novembre
fait
mention de l’état d’agonie du peuple allemand et de
l’armée à l’est.
Et ensuite la Libération. .
Je
t’embrasse
Jaime
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21 novembre 1943
Ma
chère Gisèle,
Te
souhaitant un beau dimanche que ça ne t’empêche pas dans
Paris d’y
trouver une distraction. Il n’a jamais fait une journée aussi
fraîche
dans la cellule.
Nous
sommes gelés. J’ai commencé à mettre les deux
paires de chaussettes et
des chaussons car les souliers sont trop froids. Ici nous n’avons que
la petite paillasse avec laquelle nous couchons par terre. J’ai
reçu
par une certaine personne des vêtements chauds ainsi qu’une
couverture. Notre cellule est plus noire encore. Nous nous
efforçons
d’être de bonne humeur mais ce n’est guère possible depuis
dimanche
nous n’avons pas fumé un seul mégot. Nous organisons la
solidarité avec
mon camarade Kohn. Est-ce que tu touches des allocations pour la
petite. Tu m’expliqueras.
Voilà
que le chariot traîne au long du couloir. Ca veut dire que c’est
le moment de manger ; Pardon de boire notre soupe.
Je
t’embrasse
Jaime
J’ai
oublié de te dire que j’ai un rhume qui m’empêche
même de parler.
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Dimanche 5 décembre 1943
Gisèle,
Je
t’espère en bonne santé depuis hier. Je pense au parloir
d’hier. Mon
dieu, quelle organisation ! Tu pourrais venir le vendredi si le
directeur de la prison t’autorise et si tu peux avec ton travail.
Aujourd’hui
dimanche on a eu la promenade, que les politiques évidemment.
C’est un
petit pas en avant. Pour nous et une certaine faiblesse de l’autre
côté. Je crois que nous aurons un quart d’heure en
plus. Ce matin
j’étais en train de faire ma culture quand le gardien vint nous
ouvrir
la porte pour aller à la promenade. J’étais en
caleçon. Nous nous
sommes habillés dans le couloir.
Nous
n’avons rien entendu au sujet de l’Espagne. Si les journaux en parlent
tu me diras, n’est-ce pas, N’oublies pas la photo de Jacqueline quand
tu l’auras.
Me
mains sont vraiment glacées, mes pauvres mains. Il y a un moment
où je ne peux même pas t‘écrire.
Jaime
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La Santé, le 7 décembre 1943
Chère
Gisèle,
Je
constate après ta lettre que tu es en bonne santé. Nous
avons obtenu
quelques autres revendications. Après les
délégations de nos camarades
politiques auprès du directeur qui préfère nous
recevoir
silencieusement que de nous entendre crier sous ses fenêtres. Il
fait
un froid terrible dans les cellules et l’humidité coule le long
des
murs. Mais nous sommes forts car notre courage est
inébranlable ;
malgré qu’ils voudraient par tous les moyens nous
épuiser.
C’est
incroyable comme le temps passe vite. Déjà huit mois que
je suis en
prison et que la petite Jacqueline a maintenant vingt mois. Elle avait
un an et un jour exactement le jour de mon arrestation. Le
renouvellement du certificat pour la carte de tabac me fut
délivré. La
peau de mes mains est toute crevée. Jamais je n’ai eu les mains
comme
ça.
Qu’est-ce
que j’ai rêvé la nuit dernière ! C’est
incroyable ! j’ai rencontré des
personnages dans des lieux lointains Nous vivions au
17°siècle. Je me
souviens que les seuls moyens de locomotion étaient les
« carrosses ».
Pour le moment je te dis au revoir
Jaime
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Centrale d’Eysses, le 23 décembre 1943
Ma
chère Gisèle,
Je
t’espère en bonne santé. Cet après-midi, j’ai
reçu une de tes lettres.
Comme je te l’avais annoncé le vendredi, notre départ de
la Santé fut
précipité car nous ne croyions pas à un changement
avant la fin
janvier. Le directeur nous a annoncé un transfert imminent. Le
vendredi
vers 9 heures nous sortîmes de nos cellules avec toutes nos
affaires.
On nous a distribué du pain et un repas de la Croix Rouge pour
le
voyage. A 7 heures, départ de la Santé dans des voitures
cellulaires
jusqu’à la gare d’Austerlitz. A sept heures trente, nous
montâmes dans
les wagons cellulaires. Vers dix heures, départ nos wagons
accrochés à
l’express Paris-Bordeaux. Nous passâmes par Châteauroux,
Poitiers,
jusqu’à Bordeaux où nous arrivâmes à six
heures du matin. Départ de
Bordeaux à 11 heures pour Agen, puis Villeneuve-sur-Lot
vers 21
heures.
Nous
fûmes ensuite transportés dans des voitures cellulaires.
Maintenant
nous avons de l’air. Nous dormons dans des dortoirs. Dans le
nôtre nous
sommes 66. Ce matin, j’ai été à la visite chez le
médecin et je suis
hospitalisé depuis cet après-midi. Je t’écris
depuis mon lit. Nous
avons le droit de recevoir un colis chaque semaine sans limite de poids
et plusieurs par semaine. Nous avons aussi le droit de recevoir du
linge. Ce qui me manque le plus. Nous avons le droit à un
parloir par
jour n’importe quel jour. Nous avons le droit théoriquement
à une
lettre tous les trois jours. A Le Neubourg, tu leur donneras mon
adresse. Il nous est interdit de raconter plus que ça par
correspondance.
Je
t’embrasse bien fort.
Nom Matricule 2699
Détenu politique
Centrale d’Eysses
Villeneuve-sur-Lot
Lot-et-Garonne |
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Le 29 décembre 1943
Ma
Chère Jacqueline,
Bien
que tu ne puisses le comprendre par toi-même, ton cher papa,
t’adresse
loin de toi mais en réalité sa pensée est tout
près de toi, les
meilleurs vœux de bonheur, de santé et je pense que
bientôt je pourrai
t’embrasser.
Nouvelle
année 1944 ; année de bonheur, de liberté,
d’abondance de tout, année
où tous les êtres se rejoignent, où tout le monde
pourra se retrouver
prés de ses êtres les plus chers.
Ton
papa qui t’envoie beaucoup de baisers. Bonne année
Gisèle,
J’espère
que tu iras passer le nouvel an avec la petite n’est-ce pas et aussi
peut-être chez tes grands parents. J’ai eu une paire de sabots
miniatures comme cadeau. Je vais les envoyer dans un colis afin que
Jacqueline les garde en souvenir de son jeune papa.
Du
courage et bonne année.
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Le
3 janvier 1944
Ma
chère Gisèle,
Je
viens de recevoir tes deux lettres. Lesquelles m’ont fait grand
plaisir. J’avais oublié de te dire que tous ensemble pendant la
journée, nous avons l’occasion de bavarder autant qu’il nous
plait.
Nous ne travaillons pas. Tu comprends ce que cela veut dire. C’est
dommage que je ne puisse pas développer certains sujets
concernant
notre vie ici. Je suis avec mon camarade Kohn. Nous sommes
organisés en
collectifs. Nous avons mis ensemble tous les colis. Nous avons le droit
au tabac. Tu parles de venir me voir. Tu sais ce que cela coûte
même si
cela me ferait plaisir
Reçois
de loin mes meilleures pensées.
Jaime
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Le 8 janvier 1944,
J’ai
reçu un colis hier avec du tabac et des cigares. Je me demande
pourquoi
tu m’envoies un colis alors que ta situation ne le permet pas et que
les vivres sont chers. J’ai parlé à mon camarade Ignace
et convenu que
tu cesses de lui envoyer des colis. Nous avons composé des
gourbis pour
partager les colis et en donner aux
« indigents », à ceux qui n’en
reçoivent pas ; Nous nous levons à 7heures30. Nous
descendons à 8H30.
Culture physique et lavabos. Et commence la besogne journalière.
La
petite Jacqueline a déjà vingt et un mois. Lorsque tu
auras une bonne
photographie de la petite et une de toi, tu me l’enverras.
Pensant
à toi et à Jacqueline, j’attends de recevoir de tes
nouvelles bientôt.
Jaime
Au revoir
A bientôt ! Auf wiedersen
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Le 14 janvier 1944
Bien
estimée Gisèle,
Je
viens de recevoir ta lettre et ton colis. Tout est bien arrivé.
Je sais
que tu as fait de tout ton cœur pour me l’envoyer. Mais je t’avais
demandé une cravate et tu m’en as envoyé quatre. Les
camarades m’ont
demandé si j’allais célébrer mon mariage ou faire
commerce de cravates.
Qu’est-ce
qu’il fait comme beau soleil ici ! On dirait qu’on est à
Barcelone….
A
bientôt donc en attendant de tes bonnes nouvelles.
Mille
baisers à Jacqueline.
Jaime
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André Feral
Pasteur à
Castelmoron sur Lot
Lot-et-Garonne
A Mme Gisèle Leroy
7
rue Montalembert Paris VII
Chère
madame,
J’ai
une bien tragique nouvelle à vous annoncer et mon cœur se serre
en
songeant à votre peine. Pasteur à Castelmoron, je suis
aumônier de la
prison centrale d’Eysses où James Sero a été
transféré. On est venu me
chercher hier matin mercredi 23 février réclamant mon
ministère. Je ne
comprenais pas. A mon arrivée à la centrale, on m’a dit
qu’une émeute à
main armée avait éclaté et qu’à cette
heure, un certain nombre de
détenus étaient jugés par une cour martiale. Onze
d’entre eux ont été
jugés coupables et condamnés et parmi eux, hélas,
était James Sero. Nul
des condamnés n’appartenait à la religion protestante.
Plusieurs m’ont
demandé cependant le service (hélas cruel) de
prévenir leur famille.
J’ai
assisté à leur dernier moment et cette horrible vision me
remplira
jusqu’à la fin de tristesse. Tous les condamnés sont
morts avec un
grand courage. Votre ami m’a prié de vous dire que son souvenir
et sa
dernière pensée étaient pour vous et pour sa
chère fillette. Je vous
transmets ce message avec une grande émotion et une infinie
tristesse
et je demande à Dieu en même temps que sa
miséricorde infinie pour
celui qui est parti, je lui demande l’apaisement de votre âme
meurtrie.
Veuillez
agréer madame, ma bien respectueuse sympathie.
A Feral
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Le 3 janvier 1945
Chère
Madame,
J’ai
bien tardé à vous répondre à votre lettre
du 1er novembre. Elle m’a
pourtant bien fait plaisir. Nous nous sommes connus pendant une
période
bien tragique. Vous, vous étiez brisée par la catastrophe
qui s’était
abattue sur votre vie ; moi je sortais à peine d’un deuil
qui m’avait
anéanti. Et nous portons encore dans notre coeur une blessure
que rien
ici bas ne peut fermer.
Aussi
je comprends bien cet isolement dont vous me parlez dans votre lettre
lorsque les alliés sont rentrés dan Paris. Vous
étiez heureuse en tant
que française de cette délivrance que ceux qui sont
tombés désiraient
tant.
Vous
songiez à celui qui s’est sacrifié pour sa patrie et pour
son idéal.
Chère
madame, je crois en dieu de toute mon âme et j’ai la ferme
conviction
que ceux qui ont donné leur vie avec un si entier
désintéressement ont
été accueillis par dieu et ne sont pas perdus pour nous.
Leur corps
repose dans le petit cimetière d’Eysses qui a déjà
vu bien des
pèlerinages de parents et d’amis. A l’endroit même
où ils sont tombés,
une plaque commémorative a été apposée et
est toujours jonchée de
fleurs. Mais eux ne sont plus là, il sont plus haut, là
où le mal ni la
mort ne peut les atteindre. Je vous ai dit sans doute que quelques mois
avant leur départ, les allemands ont
pénétré à Eysses et ont emmené
tous les prisonniers politiques à Penne d’abord. J’ai su qu’ils
avaient
été conduits d’abord à Fontainebleau et ils
doivent les avoir emmenés
de là en Allemagne. Pour le moment Eysses est plein de
prisonniers
politiques d‘une autre espèce (miliciens, collaborateurs,
traîtres..)
la roue a tourné. Je crois savoir que le directeur qui sur
l’ordre de
Darnand avait ordonné le massacre du 23 février a
payé à son tour comme
le lui avait prédit Auzias l’un des condamnés. Au revoir,
chère madame,
que Dieu vous accorde du courage. Sachez que je pense souvent à
vous et
que je recevrai toujours avec joie de vos nouvelles.
Mes bons et
respectueux souvenirs
A. Feral
Castelmoron/Lot
Let G
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